L’incarcération ne prive pas une personne de ses droits civils et familiaux. Toutefois, les contraintes inhérentes à la détention ne sont pas sans conséquences sur l’exercice de ces droits.
Les droits et devoirs parentaux
l’autorité parentale
L’incarcération n’implique pas le retrait de l’autorité parentale (Code civil, art. 378). Celle-ci peut uniquement être prononcée par le Juge civil (en cas de mauvais traitements sur l’enfant) et le Juge pénal (en cas de culpabilité ou de complicité de délit ou de crime à leur encontre). Le détenu doit donc être consulté pour les décisions importantes concernant l’enfant.
En pratique, soit l’autre parent et le détenu prennent les décisions d’un commun accord, soit la situation est conflictuelle. L’un ou l’autre (ou les deux) peuvent alors saisir le Juge aux Affaires Familiales (JAF) sur des décisions importantes comme le choix d’un établissement scolaire ou d’une éducation religieuse.
Le parent détenu doit pouvoir prendre connaissance et éventuellement signer les documents concernant l’enfant : autorisation d’intervention chirurgicale ou de sortie du territoire, consultation de livrets scolaires ou autorisation de contrats d’apprentissage par exemple. Ces documents peuvent être présentés au détenu lors d’un parloir, à condition d’avoir fait l’objet des contrôles réglementaires préalables. Pour que le parent détenu conserve les documents après le parloir, l’autorisation du Directeur est nécessaire.
La correspondance avec les enfants est libre (sauf s’ils sont victimes ou complices de l’infraction). Cependant, si aucune réponse de l’enfant ne parvient, il n’y a aucun moyen de vérifier s’il a bien reçu le courrier du parent détenu ni d’obliger celui ou celle à qui est confié l’enfant à le lui remettre.
En cas de retrait de l’autorité parentale, le parent détenu conserve le droit d’être informé des décisions importantes concernant l’enfant ainsi qu’un droit de visite, sauf motif grave. Il peut demander la restitution de l’autorité parentale, en apportant la preuve de circonstances nouvelles, par une requête auprès du juge des affaires familiales (JAF).
le droit de visite
Le parent incarcéré conserve son droit de visite. Reste le problème (déjà difficile pour une personne libre) d’obtenir l’application de ce droit. Selon la jurisprudence, seuls des « motifs graves » peuvent alors justifier la décision d’un juge de refuser tout droit de visite et la jurisprudence ne reconnaît pas l’incarcération comme justifiant la non-représentation.
Il est préférable de faire intervenir la médiation d’une association, comme le Relais Enfants Parents, qui peut accompagner l’enfant au parloir si aucun adulte de son entourage ne veut ou ne peut le faire.
concevoir un enfant
Les relations sexuelles sont interdites (voir chapitre sur les parloirs), mais il naîtrait, tous les ans, une centaine de « bébés-parloir », c’est-à-dire des enfants conçus au parloir.
La législation n’interdit pas formellement aux détenu.e.s et à leurs conjoint.e.s l’adoption ou le recours aux techniques de la procréation médicalement assistée (comme la fécondation artificielle). Cependant, dans la pratique, ils leur sont défendus. Les procédures d’adoption d’enfant s’effectuent sur des critères sociaux, qui excluent a priori, les couples dont l’un des partenaires est incarcéré.
reconnaître son enfant
La reconnaissance d’un enfant ne peut jamais être réalisée par l’intermédiaire d’un représentant. Le détenu doit donc s’adresser au greffe*, qui lui indiquera les pièces nécessaires. Un officier d’état civil de la commune dont dépend la prison se rendra dans l’établissement afin de faire signer au détenu sa reconnaissance de paternité ou de maternité.
les pensions alimentaires
Un détenu ne peut pas décider de réduire ou de suspendre ses versements. Il peut demander au jaf la diminution du montant de la pension en raison de la baisse de ses revenus.
Si le détenu n’a aucun revenu, il peut faire constater son insolvabilité. Le parent qui a la charge matérielle de l’enfant peut ainsi demander à la caf le versement de l’Allocation de Soutien Familial (asf), d’environ 85 € par mois, qui se substitue à la pension alimentaire au bout de deux mois d’incarcération du parent redevable de la pension, à qui il ne pourra pas être demandé ultérieurement de restituer les sommes versées.
Union et séparation
le certificat de concubinage
Il peut être utile d’avoir un certificat de concubinage lorsqu’on fait une demande de permis, mais également pour faire valoir des droits auprès de certaines administrations.
Il faut généralement présenter une pièce d’identité et des justificatifs de domicile (quittances de loyer ou d’électricité, par exemple). Il peut être demandé une déclaration de deux témoins que vous choisissez, mais qui ne doivent pas faire partie de votre famille.
Les formalités varient selon les mairies et aucun texte ne les oblige à délivrer ce certificat. Renseignez-vous avant toute démarche auprès de votre mairie.
le Pacte civil de solidarité (PACS)
Le pacs est un contrat conclu par deux personnes majeures, de sexe différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune (Code civil, art. 515-3). Les intéressés doivent faire une déclaration conjointe au greffe du tribunal d’instance dans lequel ils fixent leur résidence commune.
Les détenus se voient donc systématiquement refuser la possibilité de se pacser, soit en raison de leur impossibilité de justifier d’une résidence commune (lorsque l’un des deux est incarcéré), soit en raison de l’impossibilité de reconnaître une prison en tant que résidence commune (lorsque les deux sont incarcérés dans le même établissement).
le mariage
Le droit de se marier est reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme (art. 12). Une interdiction de mariage (y compris entre personnes détenues) est théoriquement impossible.
Si le détenu n’obtient pas une permission de sortir* pour se marier en liberté, l’Administration fournit au détenu les justificatifs prouvant la nécessité de faire déplacer l’officier d’état civil, sur réquisition du procureur de la République (CPP, art. d. 424), afin de célébrer le mariage en détention.
Le futur époux détenu doit adresser une demande écrite au SPIP. S’il est prévenu, il doit obtenir l’autorisation du juge d’instruction.
Le futur conjoint (en liberté) doit être titulaire d’un permis de visite (permanent ou exceptionnel).
Les témoins sont au nombre de un ou deux par époux. Ils doivent fournir une photocopie d’une pièce d’identité et une lettre précisant leur identité, leur adresse et leur profession. S’ils ne sont pas titulaires d’un permis de visite, ils doivent en obtenir un (permanent ou exceptionnel) de l’autorité compétente. Un codétenu peut également être témoin, et, dans le pire des cas, un cip ou un surveillant aussi.
Ces formalités accomplies, la date et l’heure du mariage sont fixées avec la mairie. Selon les établissements (et surtout selon leur direction), selon la personnalité des futurs époux, le déroulement des mariages diffère. De l’application plus ou moins stricte du règlement dépendent notamment le parloir supplémentaire consécutif à la cérémonie, l’entrée du bouquet de fleurs de la mariée et le permis de visite exceptionnel accordé aux témoins.
Seul le mariage civil est prévu par le CPP. Le Directeur peut autoriser un aumônier (chrétien, musulman ou israélite) à célébrer un mariage religieux dans la prison.
Rien n’est prévu pour que le mariage soit consommé, ce qui est théoriquement une cause de nullité de celui-ci (Code civil, art. 75).
se séparer et divorcer
Lorsque l’un des époux est incarcéré, il est possible de demander que soit prononcé un jugement de « séparation de corps » ou un divorce. Celui-ci peut être demandé par consentement mutuel ou pour faute. Les procédures sont similaires à celles que suivent les conjoints dehors.
Il peut également être demandé au juge aux affaires familiales qu’il se prononce, le cas échéant, sur « l’organisation de la vie de l’enfant » afin que le parent incarcéré se voie reconnaître un droit de visite.