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Introduction

intro« S’il n’y avait qu’un conseil à donner, ce serait de ne pas rester isolé. La raison d’exister de la prison est de briser les liens sociaux et amicaux, les solidarités naturelles entre les individus. »
« Rompons le silence. N’hésitons pas à solliciter l’aide des autres et si on devient un « habitué » – même si on ne le souhaite à personne ! – à aider les autres… Car se parler, devant la porte d’une prison, c’est déjà résister. »

On est rarement préparé à l’incarcération d’un proche. Même quand on s’y attendait un peu. Même quand on craignait « le pire ». Rien de plus normal que d’être déstabilisé lorsqu’on apprend que son père, sa sœur, son fils ou une amie est derrière les barreaux. Parce qu’on connaît mal l’univers carcéral et ses règles et qu’on ignore combien de temps tout cela va durer. Parce que les faits reprochés à la personne détenue sont parfois choquants ou incompréhensibles.
L’idée de ce guide est née d’expériences personnelles : des proches en prison, des correspondances et des parloirs, du soutien apporté à des prisonniers et des prisonnières… et beaucoup de discussions devant les portes de prison avec des personnes confrontées aux mêmes galères. Nous avons eu envie de rendre facilement accessibles les réponses aux premières questions, souvent angoissantes, qui surgissent lorsqu’on est confronté, pour la première fois, en tant que proche de détenu, à la prison.

Il arrive, en prison, qu’on soit désespéré, parce que la séparation fait mal et qu’on ne voit pas la fin d’une peine forcément trop longue. Le soutien et le rôle des proches sont précieux et importants. Mais tout ne dépend pas de nous, alors il faut veiller à « garder la tête dehors » : en se ménageant et en continuant aussi notre vie, à l’extérieur, on apporte un peu d’air du dehors à notre proche. Et on résistera certainement davantage aux épreuves qu’on rencontre inévitablement lorsqu’on soutient une personne incarcérée.

En prison, il y a une femme pour 30 hommes.
Au parloir, on ne sait pas très bien la proportion, mais on voit beaucoup moins de pères, de maris, de frères et de fils que de mères, d’épouses, de sœurs et de filles. La solidarité (en particulier familiale) est davantage l’œuvre des femmes que des hommes, en prison comme ailleurs. Faire un guide pour les proches des détenus, c’est donc surtout s’adresser à des femmes qui soutiennent des hommes incarcérés (le plus souvent un membre de leur famille).
Le choix de ne (finalement) pas féminiser le texte n’est pas le reflet de notre indifférence pour ce qui se joue pour les femmes, en tant que femmes, dehors comme dedans, devant les portes des prisons comme en détention. Lorsqu’un homme est incarcéré, les femmes se retrouvent généralement beaucoup plus sollicitées que les hommes (pour le soin du linge, les visites, les courriers, etc.). A délit ou crime similaire et à durée de peine comparable, les femmes se retrouvent davantage seules que les hommes. Et, en termes de solidarités de l’extérieur, elles doivent davantage compter sur d’autres femmes que sur des hommes…

Dans ce guide, on se réfère aux principaux textes juridiques, notamment au Code de Procédure Pénale (CPP). Mais chaque prison a son règlement intérieur, chaque surveillant applique ce règlement à sa manière et beaucoup de choses ne sont ni autorisées, ni interdites. Il est donc difficile de rendre compte de toutes les situations particulières, mais ce guide devrait permettre de faire face à la plupart d’entre elles.

S’il n’y avait qu’un conseil à donner, ce serait de ne pas rester isolé. La raison d’exister de la prison est de briser les liens sociaux et amicaux, les solidarités entre les individus. C’est aussi parce que nous voulons changer cette situation que nous avons conçu ce guide. À vrai dire, il aurait dû sortir déjà il y a quelques années : le projet était né avec Claude Charles-Catherine, surtout connue sous le nom de « Catherine ». Elle avait réuni des proches de détenus pour constituer l’Association pour le respect des proches de personnes incarcérées (Arppi) et elle animait, sur Radio Libertaire, une émission de radio, L’écho des cabanes. Catherine n’est plus là, mais son énergie et sa détermination à ce que les proches ne restent pas seuls face à la prison nous ont accompagnés pour la réalisation du guide…

Nous sommes un demi-million de personnes, chaque année, à avoir un proche incarcéré. Nous sommes des milliers, chaque semaine, au parloir. Avoir un proche en prison n’est pas honteux. Il n’y a aucune raison que cela le soit. Mais, devant les portes des prisons, les familles se parlent peu, restant chacune dans leurs problèmes, alors qu’on est tous confrontés aux mêmes galères, qu’on passe tous par les mêmes phases de découragement, de haine, de colère et d’espoir… Et qu’on a chacun des petites combines, des petites débrouilles pour résister un peu à la prison. Si le système carcéral est construit pour être hermétique, il n’empêche qu’il comporte toujours des failles, et que d’autres sont à explorer et à trouver ensemble. Il faudrait qu’on se rende compte de nos propres forces car seule l’Administration a à gagner des divisions entre les proches de détenus.

Rompons le silence. N’hésitons pas à solliciter l’aide des autres et si on devient un « habitué » – même si on ne le souhaite à personne ! – à aider les autres… Car se parler, devant la porte d’une prison, c’est déjà résister.

Et tout cela ne serait rien sans la force qui nous parvient aussi de derrière les murs !