Parfois, à la prison, s’ajoutent d’autres difficultés, souffrances ou angoisses. Voici quelques pistes pour surmonter les plus fréquentes.
Drogues
En prison, les usagers de stupéfiants sont souvent confrontés au manque, plus ou moins violent selon la fréquence de consommation et le type de produit utilisé. Certains établissements disposent d’un quartier spécifique de prise en charge. Pour les autres, c’est auprès de l’UCSA qu’il faudra se tourner. Ceux qui suivaient, dehors, un traitement de substitution (méthadone, subutex) doivent parfois le prouver afin de pouvoir le continuer en détention. Vous pouvez contacter des associations spécialisées, notamment ASUD.
Femmes enceintes et accouchement
En prison, les femmes enceintes ont normalement accès aux mêmes soins qu’à l’extérieur. L’accouchement se fait toujours dans un hôpital public. Les femmes enceintes détenues sont généralement incarcérées dans des quartiers spécifiques.
Illettrisme
En prison, la plupart des démarches se font par écrit. Être illettré est donc particulièrement handicapant. Dans beaucoup de prisons, il existe un écrivain public (codétenu ou bénévole). Si le détenu n’arrive pas à le faire lui-même, renseignez-vous auprès du SPIP sur l’existence de formations ou la possibilité d’étudier avec l’aide d’étudiants du Genepi. Sans oublier qu’entre détenus de nombreux coups de mains peuvent se donner pour écrire et traduire les courriers, les lettres de démarches, etc.
Isolement et solitude
Si votre proche n’a pas de visite (refus des permis, éloignement géographique…), vous pouvez lui suggérer de demander au SPIP à rencontrer un visiteur de prison (bénévole qui vient discuter avec les détenus les plus isolés). Il peut se renseigner également sur l’existence d’activités (formation, activités culturelles…), même si les places sont souvent très limitées. Il peut aussi trouver des correspondants auprès du Courrier de Bovet, de Ban Public ou de petites annonces dans des journaux (notamment Le Réverbère).
Homosexuels et lesbiennes
La prison est un milieu plutôt hostile pour les hommes détenus qui sont (ou sont pris pour des) homosexuels. Il arrive qu’ils subissent des brimades, voire des violences. Le milieu carcéral est davantage tolérant à l’égard des lesbiennes. Mais, chez les hommes comme chez les femmes, on voit rarement, au parloir, des couples homosexuels ou lesbiens. N’hésitez pas à solliciter le soutien, pour vous ou votre proche détenu, d’associations communautaires et d’organisations comme SOS Homophobie.
Maladie grave ou décès d’un proche
Contactez le SPIP ou la Direction : ils doivent en informer le détenu (CPP, art. D.424). Celui-ci peut demander au JAP une permission de sortir de trois jours maximum (CPP, art. D.425) s’il est condamné à une peine inférieure à 5 ans ou, si sa peine est plus longue, s’il en a déjà purgé la moitié.
Le détenu, prévenu ou condamné, peut également demander une autorisation de sortie exceptionnelle (CPP, art. D.426). Celle-ci se déroule avec une escorte de policiers, de gendarmes ou de personnels pénitentiaires, parfois dispensés du port de l’uniforme. Le détenu peut aussi être dispensé du port des menottes La décision d’autorisation de sortie est prise par le JAP pour les condamnés, par le procureur de la République pour les prévenus poursuivis en correctionnel, et par le juge d’instruction pour les mis en examen.
Les refus des autorités judiciaires ou les lenteurs des autorités administratives sont fréquents et il n’existe pas de possibilité de recours contre un refus de permission ou de sortie exceptionnelle.
Mitard (quartier disciplinaire, QD)
Les détenus y sont seuls en cellule pendant une durée fixée lors du passage au prétoire (45 jours maximum). Ils sont privés de toute activité (sauf les promenades individuelles). Pour le téléphone comme pour les visites, le droit est limité à une fois par semaine. Les aumôniers peuvent visiter les détenus placés au mitard. Le droit au courrier est maintenu (mais il arrive que l’acheminement des lettres soit plus lent).
Non-francophones
Un livret d’accueil traduit dans plusieurs langues (anglais, arabe, espagnol, …) est normalement remis aux arrivants. Dans certaines prisons, des cours de français sont dispensés. Vous pouvez vous renseigner auprès du SPIP si le détenu n’est pas en mesure d’obtenir des informations. Sans oublier qu’entre détenus, il est souvent possible de s’entraider et de se donner des coups de mains pour écrire et traduire les courriers, les lettres de démarches, etc.
Nourrissons
Les enfants peuvent rester avec leur mère incarcérée jusqu’à l’âge de 18 mois. Certains établissements prévoient leur sortie, en journée, dans une crèche municipale.
Parloir intérieur
Deux personnes incarcérées (dont les délits ou crimes pour lesquels elles sont poursuivies ne sont pas liés) peuvent demander à se rencontrer dans le cadre de « parloirs intérieurs* ». Il faut au préalable qu’elles obtiennent un permis de visite (du juge ou du directeur de l’établissement) et qu’elles soient affectées dans la même prison. Ces parloirs concernent souvent des hommes et des femmes détenus dans des quartiers différents d’un même établissement pénitentiaire.
Prétoire
C’est l’instance disciplinaire (le « tribunal ») de la prison. Les actes entraînant un passage devant le prétoire sont qualifiés, selon leur gravité, de « faute du premier degré » (évasions, violences physiques contre le personnel, actions collectives, dégradations volontaires, trafics mettant en cause la sécurité des personnes ou de l’établissement), « du deuxième degré » (insultes, menaces verbales, vols, trafic, détention d’objets prohibés) et « du troisième degré » (menaces et injures par lettre, refus d’obéir aux ordres, jet de détritus par les fenêtres). Certaines fautes sont également passibles des juridictions ordinaires (agression, tentative d’évasion, détention de drogues, par exemple). Le prétoire peut notamment condamner au mitard.Dans le cadre du passage au prétoire, il doit figurer, dans le rapport de procédure, le moment où le détenu a pris connaissance des faits reprochés. Ce délai est de 24 heures avant au minimum. Si ce n’est pas le cas, ça constitue un vice de procédure.
Quartier d’isolement
C’est une partie de la détention où les détenus sont seuls en cellule et effectuent leur promenade seuls. Ils sont placés là soit à leur demande, soit parce qu’ils sont particulièrement surveillés. Les droits de visite sont maintenus et le courrier n’est pas limité. Comme au mitard, l’acheminement des lettres y est parfois plus lent qu’en détention « normale ».
Sans-papiers
Prenez rapidement contact avec des associations de soutien et des juristes pour connaître les démarches à effectuer et les recours possibles. Contrairement à une idée reçue fréquente, la « double peine » existe encore.
Santé
À l’arrivée en prison, le détenu est reçu par un médecin. D’ailleurs, s’il était auparavant en garde à vue, il a déjà pu en rencontrer un. Si l’état de santé de votre proche le nécessite, vous pouvez contacter son médecin habituel et lui demander de transmettre au médecin de l’établissement son dossier médical, notamment si son traitement est particulièrement lourd.
Les détenus peuvent être hospitalisés à l’Hôpital pénitentiaire de Fresnes ou dans des Unités Hospitalières Sécurisées Interrégionale (UHSI) dans des hôpitaux publics. Les permis de visite restent valables, mais les conditions de visite varient selon la situation pénale et médicale de la personne détenue.
Sachez qu’il est difficile de communiquer directement avec les médecins qui travaillent en détention : malgré leur indépendance depuis 1994 de l’AP, le malade détenu reste surtout traité comme un détenu.
Il existe des procédures de suspension de peine et de libération conditionnelle pour raisons médicales.
Service social
Chaque établissement est doté d’un service social, appelé Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) et constitué de Conseillers d’Insertion et de Probation (CIP).
Les CIP s’entretiennent systématiquement avec les entrants (CPP, art. D.464). Ils doivent en principe « participer à la prévention des effets désocialisants de l’emprisonnement sur les détenus, […] favoriser le maintien de leurs liens sociaux et familiaux et […] les aider à préparer leur réadaptation sociale » (CPP, art. D.461).
Les CIP participent à la Commission de l’Application des Peines (cap) et ils doivent préparer avec les détenus leurs dossiers de demande de libération conditionnelle, de semi-liberté (CPP, art. D.466).
Les proches peuvent en principe entrer en contact avec les cip pour demander des nouvelles du détenu, mais ils sont soumis au secret professionnel (CPP, art. D.462). La famille peut signaler aux CIP un problème rencontré par le détenu (problèmes psychologiques, absence ou retards de courrier, refus de visite…).
Suicide
Les suicides sont plus fréquents en prison qu’à l’extérieur. Certains moments (l’arrivée en détention et l’approche de la sortie) et certains lieux (mitard et quartier d’isolement) sont plus à risque. Vous pouvez signaler au SPIP, à l’AP ou au service médical, vos craintes, en sachant que cela risque d’entrainer davantage de surveillance de la personne détenue, ce qui peut augmenter son anxiété. N’oubliez pas que c’est tout à fait normal d’être déprimé lorsqu’on se retrouve en prison et qu’il y a une grosse différence entre être déprimé, dépressif, et suicidaire. Veillez surtout à ne pas transférer vos angoisses sur votre proche, donnez lui de l’énergie et pensez, avec lui, à l’avenir.
Transfert
Lorsque la sécurité n’est pas en cause (détenu sans antécédent d’évasion, transfert non disciplinaire…), le détenu doit pouvoir informer « la famille ou les personnes autorisées à exercer un droit de visite » la veille de son transfert (circulaire, 28 janvier 1983). Mais cette mesure est rarement appliquée.
Lorsqu’un détenu est transféré, sa famille et les titulaires d’un permis de visite doivent être informés (CPP, art. D.296). Un CIP téléphone parfois à la famille pour la prévenir. Le détenu doit pouvoir téléphoner lui-même à sa famille pour informer de sa nouvelle affectation (comme lors de l’incarcération). Ce n’est malheureusement pas toujours respecté et il peut arriver que c’est seulement par un courrier que la famille soit prévenue.
Transsexuel-le-s/transgenres
En région parisienne, les personnes transsexuel-le-s et transgenres sont généralement affectées dans des quartiers spécifiques. Mais il arrive souvent, par exemple, que des femmes transsexuelles dont les papiers d’identité ne sont pas conformes à leur genre se retrouvent dans des détentions masculines. Le suivi des traitements, notamment hormonaux, est compliqué et nécessite souvent la preuve de son suivi à l’extérieur. Si leur mise à l’écart du reste de la population carcérale les protège, en partie, des violences dont ils/elles peuvent être victimes, les discriminations à leur égard sont fréquentes et il est préférable de demander l’aide d’associations comme le PASTT.
Violences et morts suspectes en détention
Les violences existent en prison et les circonstances de certains décès restent floues. Il ne faut toutefois pas tomber dans les clichés véhiculés par certains films, notamment concernant les violences entre détenus et les agressions sexuelles. Il y a aussi de belles solidarités entre détenus et la violence est souvent du côté de l’Administration Pénitentiaire.
Les détenus accusés de délit ou crime à caractère sexuel subissent souvent des conditions de détention plus dures que les autres, car ils suscitent très souvent l’hostilité du reste de la population carcérale. Ils sont parfois placés dans des quartiers de détention spécifiques.
Si votre proche vous fait part de violences dont il est victime, vous pouvez mettre la pression à l’Administration Pénitentiaire afin qu’il soit placé dans un autre quartier ou transféré. S’il veut porter plainte, il peut saisir des instances de recours. Attention, les procédures n’aboutissent pas souvent et peuvent donner lieu à des brimades encore plus sévères. Il est important de ne pas rester isolé, et vous pouvez trouver de l’aide auprès de collectifs de lutte ou d’associations comme l’OIP. Il est toujours possible de porter plainte directement, par courrier, auprès du procureur de la République au tribunal de grande instance le plus proche, sans attendre le bon vouloir du directeur, qui peut décider de ne pas signaler au parquet certains faits.