6- L’argent

 

chap6En prison, tout coûte cher.
En prison, travailler en atelier rapporte
autour de 1,50 euros de l’heure : c’est l’esclavage !
Envoyer un mandat est d’un grand soutien pour la personne détenue.

 

Il n’existe pas de Revenu Minimal Carcéral, et la détention s’accompagne généralement de la fin d’un certain nombre d’aides sociales, alors même que pour les proches, il faut envoyer des mandats, payer les transports pour aller au parloir, souvent payer aussi un avocat…
Si vous bénéficiez d’aides de la Caisse d’Allocations Familiales (CAF), si besoin, prenez rapidement rendez-vous auprès de votre CAF et d’une assistante sociale du Centre d’Action Sociale (CAS) de votre quartier ou de votre ville. Les prestations peuvent réexaminées en fonction de la perte de revenus dûe à l’incarcération.

Les mandats

En prison, tout se paye : la télévision (8-10 € par semaine), le savon, le papier hygiénique… Même si des plateaux-repas sont servis, ils ne sont pas souvent savoureux… Cet argent permettra au détenu de se procurer des aliments complémentaires, d’acheter un poste de radio, d’acheter un appareil pour faire bouillir l’eau, des clopes, etc. Sans oublier qu’en prison, tout est plus cher qu’à l’extérieur.

l’envoi des mandats

Tout titulaire d’un permis de visite est autorisé à envoyer de l’argent. Les autres doivent demander l’autorisation au Directeur (CPP, art. d. 422). En pratique, la plupart des établissements acceptent tous les mandats (surtout si le détenu vient d’arriver).
Les sommes envoyées sont appelées « subsides ».
L’envoi d’argent se fait de plusieurs manières, selon les établissements. Renseignez vous au préalable auprès de la prison pour savoir celui qui est le plus rapide.
Le plus répandu est le mandat, envoyé depuis un bureau de Poste (« mandat cash ») : il ne faut ni utiliser d’autres types de mandats, ni s’adresser aux sociétés de transfert d’argent à l’étranger.
Au bureau de Poste, il peut vous être demandé votre carte d’identité ou votre carte de résident. Vous devez payer en espèces le montant du mandat et les frais d’envoi (6 € si vous envoyez jusqu’à 100 €, 7 € jusqu’à 200 €, plus au-delà). Vous avez un imprimé à remplir. L’ordinateur de La Poste peut être déstabilisé si vous indiquez, dans le cadre désignant le bénéficiaire, le numéro d’écrou du détenu juste après son nom. Vous pouvez par contre l’inscrire entre son prénom et son nom.
Le guichetier vous remettra le volet 1 et le volet 3 de l’imprimé. Transmettez le volet 1 au détenu pour qu’il puisse faire valoir ses droits auprès de l’AP et gardez le volet 3 en cas de contestation.

Lorsque le courrier arrive à la prison, le vaguemestre transmet le mandat au comptable qui crédite le compte nominatif du détenu. Celui-ci est informé de l’arrivée du mandat car il reçoit l’enveloppe l’ayant contenu. Sur celle-ci, le vaguemestre écrit le montant et l’expéditeur du mandat.
Certaines prisons acceptent les virements (entre votre compte et celui de la prison) : c’est simple et rapide, mais moins anonyme. Il est également possible d’envoyer un chèque à la prison. Il faut l’adresser au chef du service comptable et inscrire au dos le nom et le numéro d’écrou du détenu. La procédure d’enregistrement prend une dizaine de jours. Dans certaines prisons, il est aussi possible de remettre de l’argent liquide au service comptable. Pour toutes ces démarches, il faut absolument vous renseigner au préalable auprès de l’établissement.
Le détenu peut être sanctionné (quelle que soit la faute commise) par la privation, pour une période maximum de deux mois, du droit de recevoir de l’argent (CPP, art. d. 251).

répartition de l’argent

L’argent que le détenu reçoit sur son compte nominatif est réparti entre la « part disponible » (qu’il peut utiliser comme il le souhaite), les parties civiles* et le « pécule* de libération » (CPP, art. d. 320-1, d. 320-2 et d. 320-3).
En dessous de 200 € (c’est-à-dire le montant de la Provision Alimentaire Mensuelle ou PAM), l’argent est intégralement affecté à la part disponible.
Au-delà de 200 €, le système combine trois tranches de prélèvements pour les parties civiles : 20% de 200 à 400 €, 25% de 400 à 600 € et 30% au-delà. Lorsque la part a atteint un plafond de 1 000 €, cet argent sert au paiement des amendes et frais de justice.
Le montant affecté au pécule de libération s’obtient ainsi : on prend la somme envoyée, on soustrait les parties civiles et la PAM (200 €). 10% de la somme ainsi obtenue est versée sur ce pécule de libération.
Lorsque le montant du pécule de libération atteint 229 €, l’Administration dépose l’argent sur un livret d’épargne. Le pécule de libération est plafonné à 1 000 €.

Vous avez intérêt à vous concerter avec les autres personnes qui envoient de l’argent : Si quelqu’un a déjà envoyé 200 € en début de mois, si vous envoyez à votre tour 100 €, ça vous coûtera 106 € (frais d’envoi) et votre proche ne touchera que 72 €. Il vaut souvent mieux mettre l’argent en commun et réduire les frais d’envois. Et demander au détenu les besoins qu’il a.

Subsides
envoyées sur une période
d’un mois
Prélèvement pour les parties civiles Pécule de libération Pécule disponible
150 € 150 €
200 € 200 €
300 € 20 € 8 € 272 €
450 € 52,50 € 19,75 € 377,75 €
500 € 65 € 23,50 € 411,50 €

Au moment des fêtes de fin d’année, le plafond des mandats est doublé. Mais vérifiez auprès de l’Administration les dates précises.
En raison du coût d’envoi des mandats et de l’existence de retenues sur les sommes envoyés, il est important qu’il y ait concertation entre les proches afin de réduire les dépenses inutiles…

Travail, retraites et chômage

les conséquences sur le contrat de travail du détenu

L’incarcération ne constitue ni un motif de licenciement, ni un cas de force majeure. Il entraîne en principe une simple suspension du contrat de travail. Le salarié incarcéré doit néanmoins prévenir son employeur de son absence et de sa raison (donc de l’incarcération). Il peut être utile d’aller discuter directement avec l’employeur pour maintenir un lien en vue de la sortie.
Pour justifier un licenciement, l’employeur devra alors démontrer qu’il repose sur un motif réel et sérieux, que le fait reproché au salarié ne relève pas de sa vie personnelle et surtout que l’attitude du salarié a des conséquences préjudiciables dans l’entreprise. Par ailleurs, l’employeur peut licencier le salarié en lequel il n’a plus confiance. Cependant, l’incarcération ne suffit pas, à elle seule, à justifier la perte de confiance, et l’employeur doit démontrer par des faits objectifs et matériellement vérifiables en quoi l’attitude du salarié peut entraîner un trouble dans l’organisation de l’entreprise. Dans le cas d’une incarcération de courte durée, l’employeur devra démontrer que l’absence du salarié entrave le bon fonctionnement de l’entreprise.
Si le salarié est condamné à une longue peine, l’employeur doit respecter la procédure de licenciement et verser l’indemnité légale ou conventionnelle.
En cas de non-respect de la procédure de licenciement, le détenu peut faire valoir ses droits devant le conseil des prud’hommes. En outre, la commission de l’indemnisation des détentions provisoires peut réparer le préjudice économique lié à un licenciement consécutif à une incarcération, à savoir la perte de salaires ou le préjudice résultant de la difficulté à retrouver un emploi. La personne doit prouver le lien de causalité entre la détention provisoire et le préjudice subi (CPP, art. 149 à 151-1).
Les fonctionnaires bénéficient d’un statut particulier. Avant leur condamnation définitive, ils ne peuvent être radiés de la fonction publique. Ils peuvent néanmoins être provisoirement suspendus par l’autorité ayant pouvoir disciplinaire. La moitié de leur rémunération au minimum leur est alors versée.

les pensions d’invalidité et de retraite

Les pensions d’invalidité ou de retraite ne sont pas interrompues lors d’une incarcération. Le détenu peut percevoir ses pensions sur son compte personnel (à l’extérieur) ou sur son compte nominatif (en prison). Mais les allocations vieillesse à caractère alimentaire et soumises à des conditions de ressources sont suspendues.
Une personne qui atteint l’âge de la retraite au cours de son incarcération reçoit sa pension comme si elle était à l’extérieur.

les allocations chômage

Les détenus ne sont pas considérés comme des demandeurs d’emploi (Code du travail, art. l.351-10).
S’il était inscrit à l’ASSEDIC, le détenu doit l’avertir lui-même de son incarcération afin d’en être radié. S’il ne le fait pas et s’il continue à percevoir des allocations (y compris l’Allocation de Solidarité Spécifique, ASS), il risque de devoir, à sa libération, rembourser les sommes perçues.

La Sécurité sociale et les aides sociales

l’affiliation à la Sécurité sociale

Tous les détenus sont affiliés aux assurances maladie et maternité du régime général (Code de la sécurité sociale, art. l. 381-30).
Les « ayants-droit » du détenu, c’est-à-dire sa famille proche (enfants, conjoint), bénéficient également des prestations sociales (remboursements des frais médicaux et prestations en nature et en espèces de l’assurance maternité, etc.), sauf si le détenu est un étranger en situation irrégulière (circulaire, 8 décembre 1994).
À leur libération, les détenus bénéficient d’un maintien des droits pendant une année. Les détenus étrangers ne bénéficient de ce maintien des droits que s’ils sont en situation régulière.

le Revenu de Solidarité Active (RSA)

Toute personne détenue pour une durée supérieure à 60 jours ne peut plus percevoir le RSA. Le greffe avertit généralement la CAF (ou la Mutualité Sociale Agricole) avant l’expiration du délai de 60 jours (décret, 26 mars 1993 ; circulaire DAP 89-10, 24 novembre 1989).
Si le détenu est marié, vit en concubinage ou a une personne à charge, l’organisme payeur procède à la fin du délai à un examen des droits dont peuvent bénéficier ces personnes. Le détenu n’est plus pris en compte comme membre du foyer.

l’allocation aux adultes handicapés (AAH)

Au-delà de 45 jours d’incarcération, l’allocation du bénéficiaire de l’AAH est réduite de 12% de son montant mensuel. Le complément d’AAH, qui était versé aux allocataires disposant d’un logement n’est plus accordé.
Mais en cas d’enfant ou de personne à charge dans l’incapacité d’exercer une activité salariée, l’AAH peut continuer à être intégralement versée.

les prestations familiales

Les prestations familiales sont maintenues. Demandez à la prison un certificat de présence (qui indique que votre proche est incarcéré) vous permettant de continuer à les percevoir.
Une mère détenue peut bénéficier de la Prestation d’Accueil du Jeune Enfant (PAJE) qui comprend une prime à la naissance et une allocation mensuelle (de la naissance de l’enfant jusqu’à ses 3 ans).
Les femmes incarcérées enceintes ou avec leur enfant ont la possibilité de percevoir l’Allocation de Parent Isolé (API) pendant leur incarcération aux mêmes conditions que si elles étaient libres.
La mère détenue avec son enfant de moins de 18 mois peut également percevoir pour son allocation de soutien familial (ASF), à condition qu’elle ne bénéficie pas de l’allocation de parent isolé.
Pour les détenus célibataires, les allocations de logement et l’aide personnalisée au logement sont maintenues pendant un an à condition que le loyer continue d’être payé et que le logement ne soit ni loué ni sous-loué (circulaire, CNAF, n°51-94, 16 décembre 1994).